Sécurité
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Handicap et sécurité privée : construire une sécurité plus inclusive et plus humaine

Publié le 
22/5/2025

Introduction

Longtemps restée en marge des préoccupations du secteur, la question du handicap dans la sécurité privée s’impose aujourd’hui comme un véritable enjeu d’inclusion sociale, de responsabilité et de performance. Dans un métier souvent associé à des contraintes physiques ou à des exigences réglementaires strictes, peut-on vraiment imaginer une intégration réussie des personnes en situation de handicap ?

La réponse est oui – à condition de changer de regard, d’adapter les pratiques et d’investir dans un accompagnement adapté. Si l’accès à certains postes reste conditionné à des capacités précises, d’autres missions peuvent parfaitement convenir à des profils en situation de handicap. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et de quête de sens au travail, c’est une piste d’avenir que le secteur de la sécurité privée ne peut plus ignorer.

Une réglementation favorable mais encore timidement appliquée

La loi du 11 février 2005 a posé un cadre clair : toute entreprise de plus de 20 salariés est tenue d’employer au moins 6 % de personnes reconnues comme travailleurs handicapés. Cette obligation s’applique aussi aux sociétés de sécurité privée, qu’elles soient spécialisées dans la surveillance, la sûreté événementielle ou la sécurité incendie.

Pourtant, sur le terrain, la réalité est plus contrastée. Faute de connaissance des dispositifs existants ou par crainte de ne pas pouvoir adapter les postes, de nombreuses entreprises n’atteignent pas ce quota. Certaines préfèrent encore payer la contribution financière plutôt que d’embaucher. Et pourtant, des solutions concrètes existent.

Des profils variés, des compétences transférables

Il est essentiel de rappeler que le handicap n’est pas systématiquement visible ni invalidant. Les troubles auditifs, cognitifs, psychiques ou encore les limitations motrices légères peuvent être compatibles avec les métiers de la sécurité, dès lors que le poste est bien ciblé et les outils de travail adaptés.

Par exemple, un agent en poste fixe dans un hall d’immeuble, un opérateur de vidéosurveillance, ou encore un agent affecté au contrôle d’accès sur un site peu fréquenté n’a pas nécessairement besoin d’une pleine capacité physique. Dans ces contextes, la vigilance, la ponctualité, le calme et le sens du contact priment sur l’endurance physique ou la capacité d’intervention.

De plus, de nombreuses personnes en situation de handicap font preuve d’un haut niveau de professionnalisme, de motivation forte à intégrer durablement le marché du travail, et d’une capacité à s’adapter à des environnements exigeants – des qualités particulièrement recherchées dans la sécurité privée.

Un accompagnement sur mesure est possible

Intégrer une personne en situation de handicap ne signifie pas forcément bouleverser toute l’organisation. Des dispositifs existent pour accompagner l’entreprise, sécuriser le parcours du salarié et aménager le poste si nécessaire.

La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) permet d’officialiser un statut et d’ouvrir l’accès à des aides spécifiques. L’Agefiph, pour le secteur privé, propose un accompagnement aux employeurs comme aux salariés, en cofinançant des équipements, des adaptations pédagogiques ou des accompagnements individualisés. De son côté, Cap Emploi travaille en lien avec Pôle emploi pour faciliter l’insertion et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.

Les organismes de formation jouent également un rôle essentiel. Certains centres développent des parcours adaptés, avec des temps d’apprentissage allongés, des formateurs sensibilisés à la question du handicap, et un suivi renforcé tout au long du parcours. Ces formations permettent à des personnes en situation de handicap d’obtenir les certifications nécessaires pour exercer légalement dans la sécurité privée, comme le TFP APS ou le SSIAP, avec des aménagements d’examen si besoin.

Des initiatives inspirantes

Certaines entreprises de sécurité ont déjà engagé cette transition inclusive. Des groupes comme Onet, Seris ou Securitas expérimentent l’intégration de profils en situation de handicap, parfois avec le soutien d’ESAT (établissements spécialisés), parfois via le recrutement direct avec des contrats adaptés. Ces démarches montrent qu’il est possible de conjuguer exigence opérationnelle et inclusion sociale, sans compromettre la qualité des prestations.

De plus, les événements professionnels intègrent désormais cette dimension. Lors des forums de l’emploi, de plus en plus de stands dédiés à l’emploi des personnes handicapées dans la sécurité sont visibles. Des campagnes de sensibilisation internes sont aussi menées pour lutter contre les préjugés, souvent plus bloquants que les contraintes réelles.

Une inclusion bénéfique à tous

Intégrer des personnes en situation de handicap dans les métiers de la sécurité privée ne relève pas seulement d’une obligation morale ou légale. C’est un levier de performance sociale et un atout stratégique, notamment dans un contexte de forte demande de main-d’œuvre qualifiée.

Les entreprises inclusives bénéficient :

  • d’un meilleur climat interne,
  • d’une fidélisation renforcée des collaborateurs,
  • d’un gain d’image auprès des donneurs d’ordres (notamment publics),
  • et parfois même d’un accès privilégié à certains marchés (grâce à la clause d’insertion).

Enfin, cette ouverture contribue à changer le regard de la société sur le handicap, à le normaliser, et à démontrer que compétence et engagement ne dépendent pas d’une norme physique.

Conclusion

Faire une place réelle au handicap dans le secteur de la sécurité privée, ce n’est pas abaisser les exigences du métier : c’est les adapter intelligemment, pour accueillir des talents jusqu’ici écartés. C’est aussi répondre aux défis contemporains du recrutement, tout en affirmant un modèle d’entreprise plus humain, plus juste, et plus représentatif de la diversité de notre société.

Le chemin est encore long, mais chaque initiative compte. Et chaque inclusion réussie prouve que la sécurité, elle aussi, peut devenir un terrain d’inclusion exemplaire.